Vanessa Seward possède cette allure charismatique et un brin rétro qu’il serait tentant d’assimiler au sacro saint « chic français ». En ce qui la concerne pourtant, l’expression serait un raccourci mensonger : en témoigne sa sélection d’objets. De Buenos Aires à la Chine en passant par Hollywood, la styliste et créatrice de mode rassemble ici les souvenirs polyglottes qui l’ont façonné et qui n’ont en commun que son goût inné pour le style. Entre clinquant et sobriété, vintage et sophistiqué, Vanessa Seward cultive un chic apatride, qui se transmet, dans sa famille, de génération en génération.
Mes précieux…
Je porte très peu de bijoux. La plupart de ceux que je possède me viennent de ma grand-mère et ont une forte valeur affective. Ce pendentif en forme de coquillage est une exception à la règle puisque c’est moi qui l’ai dessiné pour la maison Azzaro. Il a un côté talisman et quand on l’ouvre, on peut y découvrir une photo de mon mari (ndlr : Bertrand Burgalat) et de ma fille Jacqueline.
Nouveau départ
Cette poupée est un cadeau de l’atelier Cécile Henri qui faisait toutes les broderies de la maison Azzaro à l’époque où j’en étais la directrice artistique. Elle m’a été offerte à la naissance de ma fille Jacqueline avec un petit livre de photos retraçant toute la progression par étape de sa confection. Je l’ai appelée Charlotte, du nom d’une fille de mon équipe qui lui ressemblait.
C’est à peu près à la même époque que j’ai quitté Azzaro, lorsque ma fille a eu neuf mois. Ce n’était pas évident au départ, je me suis vite rendue compte que j’aimais mon travail et que je n’étais pas faite pour pouponner, enfin pas uniquement. Alors, j’ai très vite commencé à travailler en freelance pour APC avant de monter ma marque, et j’ai tout de suite trouvé que ce statut était beaucoup plus adapté pour un créateur que celui de salarié.
Le look de cette poupée évoque, aussi, une femme très sophistiquée et glamour, qui est l’essence de la maison Azzaro, et dont je me suis affranchie à la même période. Si je suis toujours aussi attentive à la qualité des tissus, j’aime les lignes sobres, les formes simples et je me suis attachée à créer une mode accessible avec ma marque.
Glamorama
Recueil de citations, ce livre (A to Z of Hollywood Style) regroupe les conseils stylistiques de géants du cinéma, de Hitchcock à Sophia Loren en passant par Marlene Dietrich…
Je me fiche un peu de la vie privée des acteurs ou des créateurs, en revanche leur vision m’intéresse énormément, cela me donne confiance. Je m’inspire beaucoup de films, ou encore de biographies de stars hollywoodiennes. C’est aussi une tradition familiale : avec ma mère et mes sœurs, on regardait toutes les cérémonies et remises de prix en commentant les toilettes les plus extravagantes…
Où est le beau ?
Ce livre (Vogue body and beauty) qui appartenait à ma mère, je lui ai supplié de me le donner. Conseils beauté, coiffure, mode, tutoriels illustrés… C’est une véritable bible autour de l’apparence : sujet qui avait une grande importance pour ma mère. Il y a même un chapitre sur la chirurgie esthétique, ce qui est dingue pour l’époque… Ce livre qui synthétise le pouvoir de la beauté, et, en même temps, tout ce que les femmes devaient endurer pour être belles, me fascinait petite. Aujourd’hui, j’ai choisi mon métier autour de cette notion d’apparence, en même temps j’essaie de m’en détacher. C’est un gros travail sur moi-même car cela fait vraiment partie de ma culture familiale.
Objet de culte
La statuette, qui est un serre-livre, appartenait à mon arrière-grand-mère, la mère de mon grand-père maternel. Elle était chercheuse et médecin, avec son mari, ils ont fait beaucoup de recherches sur le cancer, notamment à Paris avec Pierre et Marie Curie. Ce sont eux qui ont les premiers établi les liens de causalité entre le tabagisme et le cancer du poumon. C’est une femme que j’admire énormément.
Hors mode
C’est un sac que j’ai dessiné dans le cadre de ma collaboration avec APC. J’aime son élégante discrétion.
Après mes études au studio Berçot, je suis entrée chez Chanel, c’était les années « Barbie » avec toute la team des « supermodels » : Naomi Campbell, Christy Turlington, et bien sûr Claudia Schiffer, il y avait ce côté spectaculaire avec deux cents passages par défilé…. Ensuite je suis passée par Saint Laurent avec Tom Ford, et enfin Azzaro : de magnifiques maisons… Ma rencontre avec Jean et Judith Touitou, les propriétaires d’APC, avec lesquels nous sommes devenus amis mon mari et moi, a été déterminante. J’ai eu besoin de me nettoyer de tout ce système de la mode. Jean et Judith sont des gens très équilibrés, rassurants. Ils m’ont fait confiance et c’est grâce à eux que j’ai lancé ma propre marque à la suite de nos collaborations.
Héritage
Ce coffret à bijoux me vient de ma grand-mère maternelle qui a eu beaucoup d’importance dans ma vie.
Ma grand-mère est née en Argentine, mais elle était d’origine anglaise. Elle parlait toujours espagnol avec un accent anglais, c’était plus une posture, une forme de snobisme d’expatriée. Elle avait un côté traditionnel qui pouvait être oppressant. En même temps, elle avait une élégance incroyable à laquelle elle n’a jamais renoncé, même à la toute fin de sa vie. Elle s’est beaucoup occupé de moi petite et m’a inculqué son sens du style. Avec elle, comme avec ma mère, il fallait toujours veiller à son apparence. Son expression assassine c’était « pobrecita » (pauvrette) quand elle me voyait sortir pas ou peu apprêtée. Cependant, il y a une chose que j’ai adorée c’est la grande liberté qu’elle me laissait : on ne m’a jamais imposé un goût et je trouve que c’est bien. J’essaie de reproduire ça avec ma fille que je m’efforce de ne pas brider !
Sur la route…
Cet éventail me vient encore de mes grands-parents. C’est drôle d’ailleurs il y a beaucoup de similitude entre leur appartement de Buenos Aires et le mien aujourd’hui. (ndlr. 2014)
L’éventail est un souvenir de l’un de leurs nombreux voyages. Mon grand-père était cancérologue, comme son propre père. Lorsque ce dernier est mort, mon grand-père a arrêté de travailler et mes grands-parents se sont mis à énormément voyager. Ils partaient pendant des mois en Inde, en Chine… c’était d’autant plus rare à une époque où les gens voyageaient très peu.
Ce nomadisme est inscrit dans mes gènes, en quelque sorte. Petite, j’ai vécu à Londres, puis deux ans à Buenos Aires et enfin à Paris. Quand on est enfant, on souffre un peu de bouger tout le temps, mais cela a construit celle que je suis aujourd’hui. Je ne me sens pas d’appartenance particulière que ce soit d’un point de vue national ou même social. Je me définirais peut-être comme parisienne mais pas forcément française !
Champagne !
J’aime l’esthétique des années trente de cette coupe aux lignes pures et simples. Le champagne évoque une période de ma vie où je sortais beaucoup. J’ai commencé très jeune parce que j’avais deux grandes sœurs, nous allions au Palace, aux Bains Douches… Aujourd’hui, c’est une torture, je suis devenue assez sauvage en vieillissant. Quand je suis obligée de sortir pour mon travail, cela me rassure de savoir ce que je vais porter. Mes vêtements sont alors comme une protection, une armure de confiance.